vendredi 29 mars 2024

Un ami fidèle

Par paresse, je le crains, j'ai commencé à parler de ce qui était le plus accessible, et/ou le plus récents ; Prosper appartient à la première catégorie, et pas du tout à la deuxième : je l'ai reçu pour mon deuxième Noël, en 1968. A cette date, j'avais presque deux ans, mais mon ours était bien plus vieux : il n'est pas  rempli de mousse de rembourrage, mais de paille de bois avec des articulations en rondelles de bois également, ses yeux sont en métal, et seul son nez est en plastique !


Avec Paillette, une des chachoux



Ce qui explique son âge, c'est l'endroit où il a été acheté : dans un bazar que tenait une amie de ma mère, pas loin de l'école où elle enseignait. Ma mère avait eu Jean-Michel, son petit garçon en classe, et elles étaient devenues amies. Je ne me souviens pas très bien de ce bazar qui a fermé quand j'étais encore petite. C'était un vestige des années 50 et 60, où on préférait acheter les objets du quotidien près de chez soi, auprès de gens que l'on connaissait bien. Je me rappelle tout de même de sa porte, imposante pour mon âge, en verre et fer forgé, et du désordre contrôlé et coloré à l'intérieur, car il y avait un peu de tout, dans un mélange d'odeurs, savon, naphtaline, eau de Cologne, bougies et papier d'Arménie. 

En fin d'année scolaire, ma mère recevait souvent divers bibelots et autres petits cadeaux qui venaient de cette boutique que tout le monde dans le quartier fréquentait. Il n'était pas vraiment question de modes dans ce bazar, et un objet invendu restait là jusqu'à ce qu'il le soit, d'où l'âge de Prosper, peut-être commandé, avec un jumeau, quand son petit garçon, qui avait dix ans de plus que moi, était encore un bambin. 

Je pense qu'ils ne s'était pas vendu car il était grand, et donc plus cher ; les beaux cadeaux de Noël s'achetaient en magasin de jouets à cette époque ; ou surtout aux Dames de France en centre ville, qui créait un grand rayon de jouets éphémère, et offrait des vitrines aguichantes et parfois animées, pour cette fête : on descendait en ville spécialement pour les voir !

Prosper m'accompagnait partout, et a connu quelques vicissitudes quand une gamine de mon âge et de ma famille d'alors avait jugé bon de découdre ses oreilles, recousues un peu de calemboï (de travers), par une autre amie de ma mère qui me gardait parfois. Comme ses articulations se défaisaient, et qu'il était troué, mon père avait par la suite immobilisé ses pattes et placé une pièce, probablement issue du sac à tissus de ma mère

Je pourrais maintenant le remettre quasiment à neuf, mais ils m'est d'autant plus cher portant les efforts conjugués de mes proches pour le réparer...

 Avec Prosper, j'avais sa sœur, que j'avais appelée Prospérine, qui était une oursonne gagnée dans une foire (par qui ?), en peluche de nylon rose et jupette en acrylique fleuri, le tout rempli de billes de polystyrène : l'idolâtrie du synthétique des années 70 dans un seul jouet ! Bien sur, elle ne s'est pas conservée, et Prosper est resté seul des années, jusqu'à ce que sur un vide-grenier, l'an dernier, je ne lui trouve une presque jumelle. Comme je venais de lire ça : 

 


Je l'ai appelée Céleste


 

Avec Gaspard, un des fils de Paillette, exaspéré de porter le cône de la honte pendant que son abcès guérit

Prosper, je n'ai jamais très bien su d'où il tenait son prénom : c'était bien avant l'arrivée de la mascotte éponyme du pain d'épices Vandamme en 77. Prosper étant le prénom d'un ours de BD, dessinée à partir de 1933 par Alain Saint-Ogan, je suppose que l'origine est là : mes parents étaient instituteurs, et ils encourageaient vivement la lecture ; leurs élèves avaient du leur en parler...

Quand j'avais 17 ans et lui 27, Jean-Michel a épousé une ravissante et adorable anglaise de 25 ans, qui portait le prénom bien français de Françoise, car sa mère aimait la France. Françoise m'a tout de suite donné des cours d'anglais, qui m'ont fait découvrir la culture britannique, et aimer cette langue que je détestais jusqu'alors ; pour une bonne part à cause de  l'enseignement poussif des langues vivantes au collège et lycée à cette époque, et pour une part moindre, mais pas négligeable, à cause des cours que je devais prendre auprès d'un ado de ma famille, un peu plus âgé que moi et quasiment bilingue, qui détestait le genre humain dans son ensemble, avec supplément détestation vis à vis de moi qui résistait des quatre fers à sa pédagogie, du genre instructeur de Marines. Françoise a sauvé mon Bac, que j'ai eu au rattrapage, grâce à l'anglais !

PS : Prosper ne peut pas rivaliser avec le superbe ours de Marie de Nantes (dollsdemarie), qui est exactement le type d'ours que je me retiens d'acheter quand j'en trouve à un prix raisonnable (heureusement, c'est rare !) : il ne resterait plus un cm2 de libre à la maison, sinon...

2 commentaires:

  1. Merci pour cette belle histoire si bien racontée. Les ours avaient une personnalité en ce temps-là et on leur donnait un prénom. C'est une chance de lui avoir trouvé une compagne. L'ours Marc de 1943 remplace mon ours que j'ai tant aimé et qui est sur ma photo. Je l'emmenais partout et le voyait comme une sorte de sage, de philosophe ( à l'époque je ne connaissais pas ce mot) qui me donnait des conseils et m'expliquait la vie. A la place de ses yeux en verre, ma tante avait cousu des boutons bleus foncé qui lui donnaient une expression unique.

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  2. Quel beau souvenir ce Prosper, un ours unique qui te ramène à un tas de jolis moments de l'enfance...Ta description du bazar est comme dans mes souvenirs, celui dans lequel j'allais avec ma marraine à Marseille..Merci!

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Max Beuster

Extrait du livre Celluloids de Anne Sitz Au début des années 2000, quand j'ai réussi à me procurer ce bouquin de références sur les poup...