samedi 11 mai 2024

Une poupée presque fantôme

 

Brigantine

Dimanche aux Puces, je fais cette découverte, qui m'a tout de suite parue familière, sans que je souvienne d'où je la connaissais.

Puis une illumination : c'est Brigantine, la poupée de Pépin la Bulle, une série de l'ORTF, créée en 1969. 

Figurine de Brigantine de chez JIM


Cependant même en ratissant ma documentation et les moteurs de recherche sur le Net, je ne trouvais pas ma poupée ! Pourtant, c'était bien Brigantine, identique à la poupée de la série, et marquée Clodrey Haute Couture dans sa robe !
 J'ai fini par en trouver une, sur Paramour des poupées ; une seule. Pourtant la série avait eu un succès normal, alors pourquoi ma Clodrey était si seule !

Brigantine du site Paramourdespoupees

Pépin la Bulle date de 1969, mais a de nouveau été diffusée en 1974 (j'avais 7 ans, mais je ne m'en souviens pas, même si on a eu la télé cette année-là, justement).
C'est est une création d'Italo Bettiol et Stephano Lonati, ce sont eux qui créeront ensuite "Chapi Chapo", et sont associés dans la société Belokapi (dans mon souvenir, quand j'entendais "Telecip Belokapi", ça signifiait que ça allait etre intéressant, et non pas barbant comme l'était la télé les 3/4 du temps !)
 Le scénario est de Michel Karlof qui est à l'origine de l'idée de départ. 
 
Pépin, un jeune garçon, possède trois jouets : la poupée Brigantine, le singe en peluche Garatakeu et le toucan  en tissu Fouretout (mention spéciale pour le fait qu'en 69, un gamin de 8/10 ans pouvait avoir une poupée en robe rose sans que ça ne défrise personne !). 
Il a le pouvoir de les faire voyager à travers le monde à l'intérieur d'une bulle de savon. Les trois jouets se retrouvent ainsi en Afrique ou au Japon.

Chaque épisode de cinq minutes, commence par la même scène d'introduction de près d'une minute : alors que Garatakeu est en train de jouer du xylophone sous le regard de Brigantine et Fouretout, Pépin lit un livre dont la page de couverture est illustrée par les trois jouets dans une bulle et le titre de l'épisode apparaît en surimpression. 
Fouretout, installé sur le xylophone, prononce alors la formule suivante "Hola ! Pépin, tu nous oublies, c'est l'heure !", Pépin caresse alors doucement le bec de Fouretout avec son index, puis Brigantine lui demande "Fais-nous prendre l'air. Tu veux bien ?" et Garatakeu termine par "Oh oui ! Pépin, la bulle ! la bulle !". 
Pépin prend alors un tube et souffle une bulle de savon qu'il dispose sur les trois jouets pour les englober complètement et prononce la formule magique "Bulle, envole-toi". Il prend la bulle dans ses mains, va vers la fenêtre ouverte et souffle sur la bulle qui s'envole dans les airs avec les trois jouets à l'intérieur.
La bulle va alors les amener au loin, soit en Afrique où ils rencontreront Bamao, un Pygmée et l'hippopotame Clapotis, soit au Japon où ils rencontreront la jeune Kimono et le papillon Bruissemendailes. 

Une explication pour le petit nombre de jouets ou autres produits dérivés de Pépin la Bulle, du moins par rapport à d'autres séries de l'ORTF est qu'elle elle n'a pas duré assez longtemps, 39 épisodes ; outre les livres et cartes postales, iI y a eu des puzzles, deux pouêt-pouêt, un jeu de cubes, des masques César, une série de figurines JIM
En ce qui concerne les poupées, la société italienne Franca avait fabriqué et fourni aux magasins en Italie et en France une petite série de poupées Brigantine...


Poupée Franca repérée sur eBay Italie (à un prix délirant !)

Mais Franca n'avait pas payé la licence pour fabriquer la poupée !  Ils ont reçu une amende et ont dû cesser de la fabriquer ; et récupérer leurs modèles en vente. Clodrey, avait déjà un contrat avec l'ORTF pour d'autres poupées, a repris la fabrication, mais c'était un peu tard : la série allait s'arrêter, il n'y a eu que quelques modèles fabriqués !

Ma Brigantine de Clodrey est complète, mais il lui manque à l'arrière de la tête une grosse mèche de cheveux, qui étaient défaits quand je l'ai trouvée. Ce manque, son implantation particulière, et la texture des cheveux aussi doux et souples qu'un tapis en coco, a rendu le recoiffage un peu périlleux, il ne faut pas y regarder de trop près ! 


Ses tresses sont censées se tenir courbées, et exprimer ses émotions !

Le roussissement et les auréoles brunes sur son pantalon et ses manches, ont résisté au savon de Marseille ; je n'ai pas insisté en dépit de l'étiquette affirmant que tout était lavable. Je n'ai pas non plus utilisé la méthode magique de Isa : les manches sont cousues à la robe en feutrine fragile.

Elle reste très mignonne, je craque complètement pour ses oreilles !


Avec elle, il y avait un Jetpartout, de Clodrey également


Il s'en est beaucoup vendu, il était désigné comme "Poupées pour jeunes enfants", il plaisait beaucoup aux tout-petits, et il passait à la machine



J'ai pêché mes infos sur le site Paramourdespoupees, la page de Pépin la Bulle, celle de Wikipédia, et surtout un bouquin formidable, "De Nounours à Casimir", de Agnès Moreau qui recense les jouets dérivés des émissions jeunesse télévisées, de des débuts jusqu'aux années 80 

Pour revenir un peu sur le débat garçons : poupées/pas poupées, qui ressort de temps en temps sur les rézosocio, comme un serpent de mer hors d'âge, il y a quand même des collectionneurs de poupées Action Joe ou Action Man, qui affirmeraient, la tête sur le billot, qu'ils collectionnent des "figurines articulées", car - comme l'affirmait aussi Hasbro - "Les garçons ne jouent pas avec des poupées" (que font-ils du poupon Eric, de Petitcollin, destiné aux garçons en 1964 !). 
Foutaises que tout ça ! La poupée Action Man a un pyjama, écossais, classique mais chic : personne n'a jamais vu de figurine Batman, s'extraire de son bat-costume et revêtir un pyjama, fut-il bat ! Une figurine articulée qui possède un pyjama, c'est définitivement une poupée !




samedi 4 mai 2024

Hifi de Bella

 


Il y a quelque temps, j'ai trouvé en Ressourcerie ce joli sourire crasseux ; je l'avais rangée (enfouie) avec les poupées pour lesquelles il faut faire quelque chose (réparer, arranger...), je viens de la retrouver, et de constater que ce n'est pas Cincia, comme je croyais - le même joli visage que Droline - ni Riquette, un peu plus grande, mais Hifi 37 ou 38 ; encore une parlante ! 

J'ai lavé ses vêtements et je l'ai débarbouillée, puis je me suis attaquée aux cheveux, très emmêlés. Comme je ne pensais pas en avoir pour longtemps, je me suis installée dans la salle de bain, et le lieu, plus le fait de démêler un bloc d'etoupe, m'a rappelé les longues séances de coiffure auprès de mes filles, qui toutes adoraient les cheveux longs, mais pas s'en occuper !
C'était quand même un peu différent de coiffer une demoiselle qui ne hurlait pas à chaque coup de peigne, ne se plaignait pas que l'eau du bain devenait froide et ne se chatouillait pas avec sa sœur !
 
 
Ses vêtements sont d'origine, il lui manque des Mary-Jane noires, je suppose ; et peut-être une ceinture, car il y a une sorte de passant sur le bord de sa tunique (mais je n'en ai pas vu sur une jumelle brunette, avec la même tenue, sur le site Paramourdespoupées).
Ses cheveux rebiquent encore un peu, je n'ai pas l'habitude ! la coiffure, pour les cellulos, c'est un coup de lavette humide sur la tête pour retirer la poussière, et quand il y a une perruque, elle est le plus souvent en rayonne, feutrée et/ou imprégnée d'une laque qui la rend impénétrable. 
 
Je vais la laisser porter un bandeau improvisé encore quelque temps : après tout, ça va avec son époque ! Le bandeau est en fait un brin de biais doré, dont j'ai une quantité notable : il en fallait pour un cosplay, mais nous n'en avions pas trouvé assez dans notre boutique de tissu habituelle, qui seule vendait cette nuance et en avait commandé. Mais avant que nous y retournions, le cosplay bien avancé, notre chère boutique a brûlé jusqu'aux fondations !!! Donc commande sur le Net, d'un bon métrage... qui n'arrive pas ! Elise trouve une mercerie qui peut nous avoir la bonne nuance, si on prend un rouleau entier, ce que nous faisons, son cosplay (Medusa de Kid Icarus) est une réussite et il reste beaucoup de biais... et encore plus quand, la commande du Net arrive paisiblement, le lendemain de la conv' !

Toujours dans la série anecdotes, je viens de me rendre compte que ma friandise préférée, la halva à la pistache, végan, si parfumée, économique, sans additif et sans sel, était en fait, une bombe calorique ! Du sésame, des pistaches et du sucre, j'étais sûrement en plein déni !

Derrière la boîte, Paillette et son fils Phileas, le chat le plus snob du département, voire de la région !

Près de 2300 calories la jolie boîte métallique de 400g ; une toute petite boîte, finalement ! Je ne suis pas le genre de personne qui chasse les calories jusque dans les concombres nature, mais vu ma gourmandise quand je plonge une cuillère dans cette pâte fondante, ça fait beaucoup par portion !

lundi 29 avril 2024

Le Mang'Azur 2024

Ce week-end a eu lieu la 17 ème édition du Mang'Azur, un salon annuel consacré à la pop culture asiatique ; en général, on dit une convention. Il a lieu au Palais Neptune, le lieu habituel des salons et expositions. Evidemment, ça ne parle encore pas de poupées, mais ça explique pourquoi : pas eu le temps !
On y trouve des activités, des conférences, des expositions parfois ; on peut y rencontrer des invités, auteurs, acteurs, ou autres (cette année, il y avait Tokyo No Jo, un youtubeur japonais), manger des spécialités et s'offrir des cadeaux sympas. 

Un des points forts des conventions, est que l'on peut admirer et photographier des cosplays ; et en porter soi-même. Un cosplay est la réalisation de la tenue complète d'un personnage de fiction à sa taille, avec accessoires et/ou armes, que l'on revêt ensuite durant la convention. Tout l'intérêt étant de le faire soi-même, et aussi fidèle que possible à l'original. Il y a des concours, et même des cosplayers "pro", mais globalement, c'est surtout un loisir sympathique : le monde des cosplayers est bienveillant : personne ne va traiter qui que ce soit de ridicule, se moquer, ni critiquer (pas même une fois rentrés à la maison ; sauf peut-être les cosplays mal faits). Bien au contraire, on reçoit très souvent des compliments pour la réalisation, ou le choix d'un personnage rarement représenté, et des demandes de photos ; même s'il y a beaucoup d'ados et de jeunes adultes, ce n'est pas rare de voir des cosplays en famille, comme nous...
 
Au Mang'Azur, les artisans ont une place privilégiée, les stands proposant du "fait main" étant aussi appréciés que ceux exposants des articles importés du Japon


Le torii du Mang'Azur, dans le hall du Palais Neptune ; Les torii sont des portails symbolisant le passage du monde matériel à celui du spirituel dans la religion shintoïste, mais dans un domaine profane, ils peuvent symboliser un passage d'un état à un autre ; ici, c'est peut-être seulement un hommage...
 

Anna de "La Reine des neiges"


Mère Gothel dans "Raiponce"


Alfredo Linguini dans "Ratatouille"


Il y avait beaucoup plus de cosplays, et c'est tout à fait par hasard que je n'ai fait de photos que de personnages de films d'animation. Il y avait aussi des personnages de mangas, de comics, d'anime, de séries et de films ; moi-même, je portais un cosplay de la Mère Gingembre dans "Casse-noisette et les Quatre royaumes" le samedi, et celui de Frigga, reine d'Asgard et mère de Thor et de Loki, dans les films Marvel, le dimanche


Figurines POP et posters


Un choix de peluches


Un immense stand de figurines

Les grands classiques des conventions : figurines et peluches et tous genres, posters, fan-arts, c'est à dire une représentation d'un personnage par un autre artiste que son auteur, et le plus souvent dans un contexte un peu, ou très différent (Jack et Sally, de "L'étrange noël de Monsieur Jack" dessinés comme le tableau "American Gothic", par exemple)



Le stand de la boutique Platypus, une boutique de d'objets de décoration et de cadeaux venus du monde entier, qui est située dans le centre-ville de Toulon (leurs bols à ramen sont magnifiques !


Objets de décoration typiquement japonais


Superbes yukata






Des book-nooks avec plusieurs thèmes ; ce sont des scènes miniatures éclairées nichées dans un recoin (nook), entre des livres (book). Je les aime tout particulièrement, et la seule chose qui m'empêche d'en avoir dans mes étagères, est justement l'absence totale de nooks !
 









Le stand de Jahyira, une jeune femme illustratrice talentueuse, co-fondatrice de Platypus. Dessine très bien les chats et les chapeaux, même si elle affirme que non !









Le très beau stand de Sendrée, et ses créations à base de papiers et tissus japonais : tout est fait à la main et de manière unique ; choisir est très difficile ! Sendrée est aussi très chaleureuse et sympathique !




Anastasie et Javotte, les belles-soeurs de Cendrillon, font leurs courses dans le stand de snacks de friandises importés du Japon ; sans oublier les sodas fluos aux gouts des plus exotiques, et la limonade Ramune extra-sucrée qui apparait dans plusieurs mangas


Un des nombreux stands de mangas



Le stand des taiyaki, c'est à dire "dorade grillée"(la dorade et les poissons en général  sont des porte-bonheur au Japon) ; mais ce sont des gaufres salées ou sucrées et remplies d'un fourrage . Celles au curry de légumes et celles à la pâte d'azukis, l'anko, sont mes préférées


Les portes de l'ascenseur aux couleurs du Mang'Azur


mercredi 24 avril 2024

Ça peut toujours servir


Je voulais faire une page sur les baigneurs Anel, sachant que j'avais des photos toute prêtes dans la mémoire de mon appareil-photo, mais quand j'ai ouvert la boîte où je pensais qu'il était, il n'y était pas (et il est toujours porté disparu) ! Mon côté écureuil avait encore frappé : je range, et j'oublie où je mets les choses ! 
En vérité, ce jeu de chaises musicales que je fais jouer à mes affaires, n'est qu'une tentative désespérée de gagner de la place, et comme me le disent mes filles, ça améliorera peut-être mes performances à Tetris, mais la seule manière d'obtenir plus de place est de trier, et retirer des objets. 

Mon rapport aux choses est problématique, mais j'ai récemment trouvé un livre sur ce que j'ai longtemps cherché : un livre qui explique POURQUOI les gens qui gardent tout comme moi, eh bien, gardent tout ! 
Parce que les bouquins sur le désencombrement, comme celui - célèbre - de Marie Kondo, "La magie du rangement", qui est intelligent et pratique (et très drôle en version manga), expliquent COMMENT faire le tri dans ses affaires, et les ranger, et c'est tout ! 

Cela fonctionne très bien je pense, chez ceux qui ont au moins un fond de pragmatisme, mais pas chez moi car je possède à la place, une affection pour les objets à un point pas bien loin de l'animisme ; notion pour laquelle j'ai la plus grande sympathie !

Le bouquin en question s'intitule "Ça peut toujours servir", de Guillemette Faure ; il s'agit à la base de réflexions sur son expérience. Elle écrit donc à la première personne, mais met aussi en avant de nombreux autres cas. 
Même si le sujet des maisons encombrées ne vend pas à priori, du rêve, et s'il commence par les mots : " A ma mort,..." c'est un bouquin pétillant et très drôle ! 

Je l'ai déjà lu plusieurs fois pour essayer de me pénétrer de son enseignement, avec pour l'instant des résultats timides, mais je persévère : d'une part, il devient de plus en plus difficile d'acheter livres ou objets de mes collections quand étagères et placards sont aussi bourrés que des oreillers, et d'autre part, c'est difficile de faire un blog sur les poupées en les décrivant de haut en bas, en guise d'illustrations, parce que l'appareil-photo ne se montre toujours pas !

Je mets un extrait que j'aime bien (et qui m'a fait penser à Isa !) ; page 55

" J'ai aussi chez moi un service à thé verdâtre, dont les tasses, en forme de coquilles d'escargots, semblent avoir été dessinées par un artiste des années 30 sous acide. Je ne sais plus comment ni pourquoi, j'ai accepté de les acheter à un ami pour le prix absurde de 80 euros. Il fossilise dans un placard, ou plutôt plusieurs placards, car les tasses n'étant pas emboîtables, il s'étale sur une étagère entière. Pourquoi ai-je tant de mal à m'en débarrasser ? Certainement parce que j'ai du mal à admettre que j'ai gâché 80 euros. J'ai pourtant, après mûre réflexion, trouvé mille et une façons de dépenser bêtement 80 euros : un PV, des frais bancaires, une assurance inutile, un changement de billet de train... Et puis balancer quelque chose que j'ai déplacé avec soin de déménagement en déménagement, ce serait reconnaître que toutes les migrations que je lui ait imposées n'avaient en fait, aucun sens. Page 55

PS : le bouquin de Guillemette Faure coûte 17,50€, et il m'a fallu le commander, mais actuellement, on peut le trouver en occasion sur Vinted ou Leboncoin, pour un petit prix


Guillemette Faure



mercredi 10 avril 2024

"Nous les filles"

 





Mon exemplaire, en piteux état : trop lu !

"Nous les filles", de Marie Rouanet est un livre extraordinaire, où l'auteure, raconte sa vie de fillette, dans un faubourg de Béziers, dans les années 50. Elle vient d'un milieu modeste : son père était mécanicien, sa mère femme au foyer. 

Ce n'est pas une biographie, ni un essai, mais un mélange fluide des deux, où le récit coule d'un thème à l'autre, comme un ruisseau. Elle évoque la vie quotidienne de son enfance, l'école, la nourriture, la religion, très présente à cette époque, les évènements particuliers ; réguliers, comme la colonie de vacances ou annuels, comme la participation aux vendanges ; ou encore exceptionnel et attendu avec ferveur, comme la communion solennelle. Il y a une infinité de détails, écrits dans un style joyeux, recherché mais facile à lire - Marie Rouanet a été enseignante - et il y a un lexique en fin de livre, pour les mots occitans, et de nombreuses notions qui auraient pris trop de place en notes de bas de page. 

Elle décrit tout ce qui faisait la vie des gens de son quartier à cette époque, quartier situé dans un faubourg de la ville, loin du centre en distance, mais surtout en temporalité : la différence entre les presque ruraux et les citadins est très grande ; les boutiques du centre-ville ont une aura d'élégance, les églises décorées pour les grandes fêtes rivalisent de splendeur. Mais Marie Rouanet prend aussi le temps de s'attarder sur de toutes petites choses, comme la confiture de fruits sauvages, le passage quotidien du marchand de pains de glace, en été, et sur des réalités triviales que l'on ne connait plus, comme les toilettes sans tout-à-l'égout !

Mais avant tout, parlant de l'enfance, elle évoque les jouets et les jeux ; j'ai copié un extrait :

"Outre les friandises, on trouvait au bazar d'Honorat de petits jouets. de ces poupons de cellulo de quelques centimètres, rigides, sans articulations, et pour cela très difficiles à habiller, moins commodes que des rintintins, mais possédant un vrai visage. quand ils étaient vendus vêtus, un simple bout de chiffon était collé sur leur corps, et après l'avoir arraché, il était dur de les débarrasser es traces d'une épaisse colle. Au bazar, on trouvait des jeux d'osselet plus brillants que les nôtres. 


En les recevant, j'avais dit aux petites combien c'était rare d'en trouver encore ; Elise m'avait dit en riant que les enfants les avaient mangés ! Mais c'est vrai : le gout de mâchouiller les extrémités des poupées, ou même toute la poupée, ce n'est pas récent !


Sic 4 1/2

 

Sic 7 1/2

 

Au moment de Noël, Honorat exposait des poupées vêtues de tarlatane, ornées de diamantine, de plumes peintes, mais le plus souvent, il proposait des objets accessibles à qui a reçu une très petite somme : des cigales de métal, des sortes de sous-verres, ronds, où il fallait loger des billes de plomb dans les yeux, la bouche, les trous de nez d'une tête de nègre*, ou dans des petits trous ponctuant un paysage - où la bouche du nègre*, comme le sommet de la montagne marquaient le maximum de points. On trouvait des paquets de perles multicolores, des coloriages, des boites de quatre crayons de couleur, de mauvais crayons à la mine friable dont nous gardions les plus gros morceaux car il était encore possible de colorier en les tenant à la pointe extrême des doigts. On trouvait chez Honorat des planches de découpage; et les mystérieuses surprises dont nous supputions le contenu de l'œil tandis qu'il nous pressait de nous décider.

Dans la surprise, il y avait parfois de petits miroirs ronds, au dos fleuri ou orné de dessins (...) sous le papier froissé qui donnait au cornet son volume, et avant le très petit bonbon qui en occupait la point extrême, il arrivait qu'on trouvât ce que nous appelions un cinéma. il se présentait comme un livre de la grosseur d'une boite de cars, aux pages épaisses. On tournait les pages à toute vitesse, du gras du pouce, et le dessin s'animait. le ballon rebondissait, la corde à sauter passait sous les pieds de la fillette, puis en arc au dessus e sa tête, le chien faisait le beau et retombait sur ses quatre pattes. Nous étions émerveillées : l'immobile bougeait !

D'autres fois nous y trouvions une toupie. Lancées par un mouvement pivotant du pouce et de l'index, les toupies ronronnaient sur le ciment du trottoir avec un bruit d'avion lointain. (...) certaines toupies étaient mieux équilibrées que d'autres - d'invisibles nœuds du bois modifiaient la nécessaire balance des hanches. Il aurait fallu pouvoir les choisir, mais c'était le hasard qui les attribuait." 

*C'était le terme encore utilisé à l'époque pour les noirs ; voir le Négri de Petitcollin...


Illustration empruntée au blog Overblog Collection de jeux anciens, jouets un peu plus anciens que ceux cités dans le texte, mais sans doute très semblables

Des toupies intemporelles


"Le matin, je m'éveillais dans l'odeur du lait. La veille au soir, dès que j'étais revenue de l'étable, ma mère l'avait fait bouillir. Elle avait posé au fond de la casserole un ustensile de verre transparent, rond comme une soucoupe, marqué d'une cannelure spéciale. Il avait un nom merveilleux : l'antimonte-lait.

 

Je n'ai pas retrouvé (on se demande pourquoi) l'antimonte-lait familial, mais il est identique, en verre ; il y en avait en faïence, et même en métal

 Théoriquement, il devait empêcher le lait de déborder. Pourtant je revois ma mère, plantée devant le gaz, en train de le surveiller. Ça montait à toute vitesse dans la casserole. Il fallait être à la fois vigilant et rapide pour arrêter le débordement"

(Je me souviens de mon père faisant bouillir le lait, avec l'antimonte-lait, avant de le répartir dans des toupins. Il ne faisait pas confiance au processus UHT, et gardait le souvenir de gens que des bactéries dans le lait cru avait rendu sérieusement malade. De temps en temps, il me laissait prendre un verre de lait non-cuit, car j'aimais son gout crémeux, mais c'était à contrecœur)

"Nous les filles" existe en grand format et en poche ; le grand format contient un ensemble de photos au centre. Je doute qu'il soit encore édité, il date de 1990, mais on le trouve facilement d'occasion

PS : A ma très grande surprise, pour ne pas dire ma stupéfaction, j'ai découvert que des antimonte-lait étaient encore couramment en vente, dans des boutiques connues de matériel de cuisine, et sur une bonne douzaine de sites ! J'étais persuadée que c'était un vestige, et que je ne le connaissais que parce que j'ai eu des parents plus vieux que la moyenne, mais pas du tout : l'antimonte-lait a même sa page wikipédia !  

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anti-monte-lait

Une poupée presque fantôme

  Brigantine Dimanche aux Puces, je fais cette découverte, qui m'a tout de suite parue familière, sans que je souvienne d'où je la c...